About "ON TIME"
Interview by J.P Gamet, former journalist at Paris Match


Salut Claude…, ou faut-il t’appeler GODO désormais…?
Comme tu veux… c’est une contraction très libre de mon nom de famille…Alors quand il a fallu que je baptise mon projet, je n’ai pas hésité longtemps, ça coulait de source en quelque sorte…
A ce pseudo, tu as ajouté une esperluette, pourquoi… ?
Cet album je l’ai avant tout conçu comme un projet…Au départ, j’étais vraiment tout seul…j’avais déjà écrit plus ou moins tous les titres, parce que ça faisait longtemps que je les avais en tête… J’ai pensé très modestement que j’étais capable de tout faire, puisque je disposais de tous les instruments nécessaires dans mon studio. Lorsque j’ai commencé à enregistrer les maquettes, plutôt à l’arrache, souvent sur le coin de mon lit à manipuler maladroitement les curseurs de mon Zoom, je me suis vite rendu à l’évidence que l’affaire allait être compliquée… Et à ce moment j’ai pensé à un album qui fut un temps mon disque de chevet, « Johnny Winter And, » un super album Live, et je me suis dit que si lui, Johnny Winter, avait jugé bon de s’entourer d’autres musiciens, je ne devais pas avoir de scrupules à en faire de même. ! Et puis le mot « and » qui en disait un peu sans en dire trop, je trouvais que c’était une bonne idée… J’ai donc pas eu trop de mal à me convaincre qu’il fallait que je m’entoure d’une équipe et c’est comme ça que l’esperluette est venue s’ajouter au pseudo, et je trouvais ça esthétiquement plutôt chouette, et j’étais bien loin alors d’imaginer vers quelles rencontres elle allait m’embarquer…
On te connaissait dans le métier de la musique surtout à travers les magasins de guitare à Pigalle que tu as dirigé longtemps… C’est surprenant de te voir débouler d’un seul coup avec un super album pour le moins inattendu…Quand t’est venue l’idée ?
Je n’ai jamais vraiment cessé de jouer…Souvent dans des projets sympas avec des potes, on arrivait à faire des trucs parfois intéressants, mais l’affaire se barrait toujours plus ou moins en sucette… par manque de disponibilité, d’implication, de rigueur… l’éternel problème du groupe… ! Mais je m’inclus dans ce constat…c’est très compliqué de gérer plusieurs activités en même temps… Et à chaque fois il en ressortait toujours une certaine frustration…Aussi, lors de ma dernière expérience, après un premier concert à l’Utopia avec un trio que beaucoup pensait assez prometteur, le groupe a capoté, et je me suis alors dit… It’s time.. !
Nous y voilà… Alors parle nous de ON TIME…
Mais c’est ça… ! ON TIME ce titre m’est tout de suite apparu comme une évidence…Depuis pas mal de temps j’avais accumulé sur mon portable des dizaines de mélodies qui me passaient par la tête. Parfois seulement des embryons. Je me suis posé dans mon studio à La Bernerie, et je me suis mis à faire le ménage dans tout ça afin de réaliser les maquettes des titres. J’ai aussi commencé à écrire les paroles, en utilisant des mots qui me semblaient bien illustrer la mélodie, avec le soucis de rendre l’ensemble le plus harmonieux possible en fonction de ma voix, sans chercher à raconter une histoire, mais plutôt à créer une ambiance, un climat qui soit propre aux chansons et ainsi faire en sorte que l’album soit cohérent dans son ensemble, même si je sais que plus personne n’écoute aujourd’hui un album en entier…
Combien de temps il t’a fallu pour réaliser cet album ?
Tout compris, pas loin de 5 ans… !! Mais j’ai pris tout mon temps…La pandémie a bien sûr compliqué les choses pour tout le monde. Des séances souvent reportées ou annulées, mon ami Phil Chen qui devait être le bassiste sur tout l’album n’a jamais pu venir à Paris pour enregistrer… Mais aussi je dois bien l’avouer, j’ai fait durer le plaisir aussi longtemps que possible. Je n’avais aucune pression d’un producteur ou de quiconque, j’étais complètement libre de faire tout ce que je voulais, et cette aventure passionnante m’embarquait à chaque fois dans des chemins imprévus, des rencontres passionnantes… C’est vrai que si j’étais rentré en studio comme c’était initialement prévu, l’affaire aurait été bouclée en quelques semaines, mais finalement ça n’a pas été l’option retenue, et c’est tant mieux car l’album n’aurait certainement pas du tout ressemblé à ce qu’il est…
Comment s’est déroulé l’enregistrement alors…?
D’abord les maquettes. Très ingrat … Une main sur l’enregistreur, l’autre sur l’instrument…A recommencer des dizaines de fois parce que c’était jamais calé… Dans ces moments tu prends conscience de toutes tes insuffisances. Là où tu te croyais capable, tu te prends une grosse baffe dans la figure .J’ étais d’ailleurs pas loin de lâcher l’affaire… Comme dans un SOS j’ai appelé mon pote Marc Salama pour lui dire tout mon dépit…Il m’a alors donné le contact de Pier Alesandri. Pier est un ancien ingénieur du son du Château d’Hérouville, un studio très prisé dans les années 70. Il a réussi à mettre de l’ordre dans ce qui était- il faut le bien dire - un sacré bocson, et au final à réaliser un mix de qualité, et très fidèle à ce que j’espérais. Après il me fallait savoir s’il était pertinent d’entrer en studio pour donner vie à ce projet. Et comme personne ne m’a dit que c’était naze, alors je me suis lancé…
En studio cette fois… Comment l’as-tu choisi… ?
Il me fallait construire une équipe. Après l’aventure périlleuse de la maquette, il n’était plus question que je cumule les fonctions. Il me fallait avant tout un bon guitariste… Autant dire que dans mon carnet d’adresses ça ne manque pas. Je les connais à peu près tous et certains sont des amis. Pourtant c’est à un garçon dont je n’avais jamais entendu parler sur lequel je me suis tout de suite fixé. A une soirée anniversaire de mon ami Gérard Plisson, un type est monté sur scène tout seul avec sa guitare et son ampli et il a joué pendant une vingtaine de minutes, et là je me suis dit…C’est lui..!. Je ne lui ai même pas parlé, jusqu’à l’année suivante où je me suis assis à côté de lui et je lui ai dit « Est-ce que tu veux jouer dans mon album.. ? ». Il m’a répondu oui tout de suite, sans savoir de quoi il s’agissait.et Il s’est tout de suite installé un climat de confiance entre nous, qui allait devenir une belle amitié. Ne sachant pas vers quel studio me tourner, Kim m’a suggéré de rencontrer un de ses amis, le brillant Ingé son Michel Taitinger pour diriger le projet. Gérard Plisson lui aussi avait été un des premiers à réagir positivement à l’écoute de mes maquettes et à m’encourager, et je savais pour avoir déjà joué avec lui, que son expérience et son talent allaient m’être utiles dans ce long parcours. .Avec Kim, Gégé, Michel, j’avais mes trois mousquetaires, et c’est comme ça, dans le studio de Michel que tout a commencé.
Alors parlons-en de cet album…on compte 17 musiciens intervenants, et non des moindres… Quel casting… !
Tout s’est passé comme ce n’était pas prévu…Il devait à la base y avoir une formation de groupe classique de quatre musiciens pour tout l’album. Mais les choses se sont tout de suite mal passées au niveau du casting, au point où à un moment il a été envisagé de renoncer au projet. On était tous décontenancés, à cet instant, j’ai senti que mes mousquetaires n’avaient pas envie de lâcher, et ça m’a donné de l’énergie pour ne pas les décevoir. Le gros problème c’était le clavier. Il y a beaucoup de claviers dans mes morceaux et il me fallait en trouver un rapidement. Un soir, je vais à un concert de Steven Wilson à l’Olympia, et comme je suis obnubilé à ce moment par les claviers, je me demande quel est le modèle de synthé Nord (car il est rouge) sur lequel joue Adam Holzman. Je cherche sur internet, je ne trouve pas, alors je lui envoie un message pour lui poser la question, ne m’attendant pas forcément à ce qu’il me réponde. Mais il le fait. Il me dit que son synthé est rouge, mais que ce n’est pas un Nord, et puis la conversation s’enchaîne, je lui dis que je prépare un album, il me propose de lui envoyer quelques titres… Eh ben c’est comme ça que Adam est devenu le clavier de ON TIME …
Et quid des autres ? Craig Blundell, Stu Hamm, Simon Phillips…?
Quand j’ai écouté les prises d’Adam, je suis resté scotché…j’ai eu l’impression que mes morceaux ne sonnaient plus de la même façon et qu’ils avaient pris une toute autre allure. Il m’est apparu comme une évidence qu’il avait installé un niveau en deça duquel il n’était plus possible de descendre le curseur. Alors j’ai contacté des cadors en leur proposant des titres, son compère Craig à la batterie, Simon qui fait une presta de folie sur Who Stole my car ? avec Stuart Hamm à la basse, sans oublier les meilleurs de nos frenchies qui ont tous fait un job remarquable.
Il y a cependant un grand absent dans l’album tu m’as dit…
Lorsque j’ai eu terminé la maquette de l’album, le premier à qui je l’ai envoyée a été Phil Chen. Phil est un ami, on se connait depuis longtemps, et je lui ai proposé de jouer dans l’album, ce qui aurait donné une sacrée plus-value à mon histoire… Phil m’a tout de suite dit oui .J’étais vraiment touché, mais pas surpris non plus de la part de ce type extraordinairement humble et gentil, avec lequel j’ai passé d’inoubliables moments. Lorsque je l’ai contacté pour les premières prises, il m’a dit qu’il ne se sentait pas capable de jouer, qu’il avait mal à l’épaule.Ca m’avait inquiété sans plus sur le coup, mais je ne pouvais pas imaginer qu’il allait décéder quelques mois plus tard…
C’est ton premier album. Il donne parfois l’impression que c’est plus le travail d’un groupe, tant les musiciens sont présents, au point que ta voix peut sembler parfois en retrait, et même parfoispar rapport aux chœurs qui sont présents dans tous les titres.
J’ai eu la chance de travailler avec des gens formidables…Je me suis incliné devant leur talent, et je ne me lasse jamais de les écouter tellement ils jouent bien dans cet album. Pendant les séances de Mix, mon ami Gerry qui dirigeait les séances de voix des deux choristes (super Lisbet Guldbaek et Carol Rihouet) m’a fait remarquer que ma voix était parfois trop en retrait par rapport à la leur, et je lui ai dit qu’il avait raison, mais que les morceaux sonnaient très bien comme ça, et que leurs voix était un vrai boost de l’album

Dans cet album, tu proposes des titres assez différents, mais qui font que l’ensemble garde une certaine cohésion. On y retrouve une ambiance tantôt british, tantôt californienne, quelles sont tes sources d’inspiration ?
Quand la musique est bonne, quelle qu’elle soit, elle n’a pas à se prévaloir d’un style particulier pour que je l’apprécie… Mais je ne renierai pas mes origines... ! On s’inspire forcément de sa culture, et c’est d’elle que nait l’inspiration. C’est vrai qu’il y a des artistes qui ont compté plus que d’autres, et qui ont certainement contribué à façonner mon esprit critique, comme Ian Anderson, Todd Rundgren, Mick Hucknall, Darryl Hall, par exemple, mais tout ce qu’ils ont en commun ces artistes, et ce dont j’aurai pu vraiment m’inspirer, c’est leur sens extraordinaire de la mélodie.


Tu sors cet album en digipack avec un livret de 28 pages et plein de photos des musiciens, ainsi qu’un vinyl numéroté à 100 exemplaires, avec la collaboration d’un artiste peintre…
J’ai toujours regretté la disparition des vinyles…C’est vrai qu’ils reviennent à la mode, mais c’est plus pareil…Entre temps on a un peu désacralisé l’objet …On fouillait dans les bacs pour trouver le graal, ou partir à la découverte de l’inconnu, c’était magique…maintenant les vinyles sont présentés au mur un peu comme des objets de luxe, on exhume ceux qui sont censés être les meilleurs, pour moi c’est plus vraiment la même chose… C’est pourquoi, tant qu’à faire, j’ai souhaité réaliser un beau produit rare et original puisque l’album sera tiré à seulement 100 exemplaires et sera accompagné d’une œuvre exclusive, numérotée également, de l’artiste peintre Nicolas Brière.
L’album sort en distribution chez Inouie le 15 Avril 2022. La phase de promotion est toujours un moment compliqué et ingrat pour les artistes DIY. Comment as tu géré cette phase ?
Je comprends que les attachés de presse qui reçoivent des albums par centaines n’aient pas le temps de répondre aux sollicitations, et être seulement ne serait-ce que écouté, relève déjà de l’exploit… C’est un monde cloisonné où règne l’entre soi, mais ce n’est pas une découverte, et c’est de plus en plus la règle un peu partout…le savoir est une chose, le vivre… une expérience… J’avais juste très envie de faire cet album, qu’il soit bien joué, bien produit, et qu’il soit écouté, critiqué autant que possible, en sachant très bien que son côté « old school » ne rentre pas vraiment dans les standards de musique actuels… !
Un mot sur l’artwork de la couverture de l’album. Des doigts qui s’animent comme sur le générique des clips que tu utilises. Comment faut- il l’interpréter ?
C’est une collaboration avec ma graphiste Claire Chapuis. Elle a bien su traduire mon idée. Les mains, les doigts, ce qui nous permet de toucher, de ressentir, d’imaginer…l’essentiel de toute forme d’art tout simplement… ! Et notre idée était de pouvoir faire bouger les doigts sur un générique qui précèderait ou suivrait chacune de mes communications.
Du Live est prévu ?
En espérant que la situation nous le permette, il y aura un show case pour la sortie de l’album, car bien sûr il n’y a que sur scène que la musique peut véritablement s’exprimer. Ensuite on verra…peut être d’autres si l’album est bien accueilli
Et il y aura un après « ON TIME » … ?
Je travaille sur un nouvel album…J’ai des titres déjà prêts que je n’ai pas pu mettre sur ON TIME et j’ai aussi un projet sur un album acoustique…